Notre première journée est consacrée à l'entomophagie, et plus largement aux novel foods. Nikolaas Viaene, bioingénieur chez Little Food, est particulièrement enthousiaste. Il produit en effet des millions de grillons au coeur de Bruxelles et est curieux de découvrir comment ce type de denrée est produit et préparé dans le Sud de la Chine, dont la population est réputée manger tout être vivant comestible.
Nous occupons un logement à Sheung Wan, une zone à l'ouest d'Hong Kong qui a préservé un caractère traditionnel (c'est relatif, avec les gratte-ciel) et une communauté chinoise homogène, même si la flambée des prix immobiliers sur l'ensemble de l'île y attire également un nombre croissant d'expatriés occidentaux. La matinée est consacrée à sillonner les étals médicinaux dont regorgent les ruelles du quartier, en quête d'insectes comestibles. A la vue des nombreuses denrées improbables proposées, nous démarrons confiants: algues et mollusques marins divers, nids d'oiseaux, hippocampes séchés, queues de jeunes cerfs, crabes vivants, ailerons de requins, écailles de tortues en kit avec la tortue en brochette, champignons en tous genres, ivoire "de mammouth"... Le packaging varie aussi : vrac, sachets en plastique ou en papier, bocaux, ou encore coffret de luxe stylisé. Si la majorité des tenanciers âgés ne parlent qu'un anglais élémentaires, quelques boutiques alignent des prospectus multilingues dans des vitrines modernes. Les vertus de la médecine chinoise sont en vogue au-delà de ses frontières, et ceux-là l'ont bien compris.
Mais revenons à l'entomophagie. Malgré nos dictionnaires électroniques et nos gesticulations, le seul insecte disponible ici n'en est pas vraiment un puisqu'il s'agit de l'Ophiocordyceps sinensis, une chenille momifiée de l'Himalaya servant de substrat à un champignon particulier, aux vertus anticancéreuses, tonifiantes, voire aphrodisiaques. Il faudra donc attendre le déjeuner pour poursuivre nos investigations. Avant de nous engouffrer dans le métro, un passant prend la peine de nous éclairer sur les usages des produits les plus couramment proposés par les apothicaires de Sheung Wan. Il nous entrouvre brièvement la porte d'une médecine parallèle bien folklorique à nos yeux, mais pas inefficace pour autant. Le nombre d'échoppes aux étagères croulants de ces marchandises parle de lui-même.